Fils de Serigne Dame Abdourahmane
M’backé dit Serigne Dame Atta, lui-même khalife de Serigne Ibrahima
M’backé Ibn Serigne Touba, Serigne Cheikh Abdou M’backé fait partie de
ceux qui pensent que nul ne pourra empêcher Touba d’avoir son statut
spécial.
Dans l’interview exclusive qu’il nous
accorde, le chef religieux revient sur la position d’alors de Serigne
Saliou et estime que le Sénégal est victime de sa Constitution qui est
loin de refléter la volonté réelle du peuple.
Pourquoi l’urgence de vous adresser à Dakaractu ?
Parce que je pense que l’heure est grave et au rythme où vont les
choses, le pire risque de nous arriver. Je parle en tant que citoyen
Sénégalais qui veut que la paix soit conservée dans ce pays. Et la paix
ne peut être conservée que par la manifestation de la vérité et la tenue
d’un langage de vérité.
Il y a donc des mises au point que vous voulez faire!
Oui ! D’abord, par rapport à la parité. Je tiens à dire que les
décisions du Khalife ne sont pas étrangères à l’Islam et à la culture
mouride.
Ici à Touba, tout le monde doit savoir que nous
ne connaissons pas ce milieu où hommes et femmes sont ensemble pour
discuter de choses. Que toutes les associations ou autres commentateurs
se le tiennent pour dit. Chez nous, les femmes et les hommes ne
partagent pas le même milieu. Par conséquent, la question de la parité
ne se pose pas ici. Ce n’est pas une loi qui nous fera renier notre
héritage. Ce débat sur le caractère non paritaire a glissé vers une
polémique regrettable du statut spécial de Touba et chacun y est allé de
ses commentaires. Chacun en a profité pour montrer son antipathie à la
vile de Touba. Et tout le monde sait que le Khalife ne répond jamais à
ces genres de sarcasme.
Justement, le Khalife n’a rien encore dit
A ce jour, le Khalife ne s’est pas encore prononcé sur la question.
Le Président Wade avait pourtant senti la nécessité de donner à Touba ce
statut spécial et il en avait parlé à Serigne Saliou M’backé, lequel
avait décliné l’offre. Ceci voulait dire, peut-être, que ce n’était pas
le moment. Lui seul sait pourquoi il avait refusé. Seulement, les
talibés que nous sommes sentent que ce statut spécial est plus que
jamais opportun. Et nous sommes certains que si la sensation est
partagée par le Khalife, nul ne pourra empêcher que cela ait lieu, dès
que lui-même en exprimera le besoin. Les signes avant-coureurs montrent
l’imminence de ce moment et nous invitons donc les autorités à réagir
avant que d’autres voix ne le mettent en évidence. Nous tenons, dans ce
sens, à alerter le Chef de l’Etat et les citoyens avec qui nous
partageons ce pays, que le Sénégal est indivisible et que nous gagnerons
à conserver la paix qui y règne. Cette paix ne saurait cependant
s’obtenir sans la vérité.
Est-ce une menace ?
Non ! Vous savez, notre silence par rapport à tout ce qui passe dans
ce pays ne signifie pas que nous ignorons ce qui s’y passe. Aujourd’hui,
ce n’est la loi sur la parité qui pose problème, mais plutôt la
Constitution elle-même, qui ne reflète pas nos réalités culturelles.
C’est une charte qui donne des privilèges à la minorité. C’est aberrant
qu’un événement comme le Magal de Touba ne soit déclaré chômé et payé
qu’en 2003, dans un pays comme le Sénégal. La constitution est la
première entrave à la démocratie. La fête de Pâques de cette année a eu
lieu un jour de dimanche. Le lendemain a été déclaré fériée. Tout le
contraire du dernier magal qui s’est passé un week-end. Nous respectons
toutes les autres religions, mais il faut aussi que la Constitution se
remodèle pour satisfaire la majorité des Sénégalais. La minorité
bénéficie, par exemple, de privilèges et dans leurs établissements et
dans leurs lieux de culte de manière formelle. Les daaras qui sont
culturellement notre propriété et qui reflètent notre identité ne
reçoivent rien de la part de l’Etat alors que les écoles françaises sont
absolument choyées.
Est-ce qu’aujourd’hui, les
Sénégalais doivent continuer à accepter de subir ce diktat de l’Occident
comme des moutons de panurge, sans avoir l’audace de réagir ou de
changer notre charte.
Le silence est donc désormais rompu ?
Notre silence est bruissant de parole, car ce n’est pas un silence
d’ignares. Nous continuons à nous taire parce qu’à ce jour, nous
arrivons à nous débrouiller pour vivre notre religion et notre culture
tant bien que mal. Cette force de résistance, nous la tenons des
enseignements de Serigne Touba.
Quand le blanc amenait le
marabout sur le chemin de l’exil, ce dernier avait la possibilité de
résister et de refuser de le suivre, mais sa longanimité l’a poussé à se
laisser faire. A Diéwol, les anges de Badr étaient venus lui prêter
main forte et le colonisateur les voyaient à l’œil nu. Pourtant, il n’a
sollicité aucune intervention de leur part. Sa prière sur les flots de
la mer montre combien il pouvait se départir de son ennemi, autant de
fois qu’il l’aurait désiré.
Serait-ce de la colère que vous ressentez ?
Nous tenons juste à dire que Touba est un lion qui dort éveillé et
qu’il ne faut pas le réveiller. Personnellement, je suis certain que
pour l’intérêt du mouridisme, je suis en mesure de sacrifier ma vie. Et
la presque totalité des mourides du monde sont aussi déterminés que moi.
L’Etat doit rester vigilant par rapport aux questions qui intéressent
Touba. Je me suis avisé à parler uniquement parce que je suis certain
que ceux qui sont friands de vérité l’accepteront. Wassalam !
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