LA « DÉCLARATION DE PATRIMOINE » DE SERIGNE TOUBA…
Cette correspondance, retrouvée dans les archives, fut adressée en 1922 par le Commandant du cercle du Baol au Gouverneur Général du Sénégal. Elle porte sur les conditions légales d’immatriculation, au nom de la communauté mouride, du terrain d'implantation de la mosquée de Diourbel (dont une sublime réplique fut récemment construite à Mbour par Serigne Cheikh Saliou). Un passage fort intéressant de la lettre nous donne une idée de la haute idée que Cheikh A. Bamba se faisait du « bien public », notamment la communauté qui se réclamait de lui, et de l’impératif de sa préservation. Une leçon avant l’heure, dirons-nous, sur les principes de « bonne gouvernance », de « redevabilité », de « reddition des comptes » actuellement à la mode, et dont tous nos gouvernants et toutes nos élites (politiques, religieuses, économiques etc.) devraient davantage s’inspirer dans la gestion des patrimoines leur étant confiés…
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Colonie du Sénégal
Cercle du Baol
N° 3623
Diourbel, le 1er Août 1922
L'Administrateur en chef des colonies
Commandant le cercle du Baol
A Monsieur le Gouverneur du Sénégal à SAINT-LOUIS
J’ai eu l'honneur, dans mon rapport mensuel n° 3412 du 18 Juin dernier, de vous rendre compte que la communauté mourite avait fait des démarches, auprès de Me GAY, notaire à Dakar, pour essayer de se constituer en Société anonyme, et obtenir ainsi la propriété du terrain non immatriculé sur lequel est édifiée la mosquée de Diourbel.
Me GAY, par lettre dont copie jointe, a fait connaître que l'association projetée, n'ayant aucun but commercial ou industriel, ne rentrait pas dans le cadre des sociétés anonymes. Il ajoutait que, seule, la loi du 1 juillet 1901 sur les Associations pouvait trouver application en la matière. Mais, ce texte n'a pas été promulgué au Sénégal.
La collectivité mourite pourrait-elle se constituer en amicale simple, régie par la loi du 10 avril 1834 et les articles 291 à 294 du Code Pénal, non abrogée à la Colonie, et, dans ce cas, cette association jouirait-elle de la personnalité civile ?
AMADOU BAMBA a reçu à la date du 7 novembre 1917 un permis d'occuper le terrain, MAIS, IL NE VEUT, A AUCUN PRIX, QUE CE TERRAIN SOIT IMMATRICULÉ A SON NOM PERSONNEL. IL DÉSIRE QUE LA MOSQUÉE RESTE LA PROPRIÉTÉ COMMUNE DE TOUS SES FIDÈLES.
Je donne un avis favorable à la constitution, si elle est légalement possible en l’état actuel de la législation, d’une association possédante. La mosquée, à peu près terminée, constitue un monument d’une réelle valeur matérielle et artistique.
J'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien me faire connaître par quel procédé légal la communauté mourite pourrait obtenir la propriété du terrain en question.
[Archives du Sénégal, 0/61]

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