« Éduque tes disciples par le himma (aspiration) et ne leur livre pas seulement une connaissance livresque ». C’est en ces termes que le Prophète (sws) s’est adressé à Serigne Touba dit Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana dans irwa-u nadim (l’abreuvement du Commensal) à Mbacké Cajoor en 1301h (1882-1883). Qu’est ce qu’on peut comprendre de cette parole ou bien quelle lecture peut en faire? De notre compréhension, nous pouvons dire que cette parole laisse apparaître deux types de connaissance : l’un spéculatif (ne leur livre pas seulement une connaissance livresque) agissant via l’intellect et l’autre beaucoup plus affectif, émotionnel, stimulant (éduque tes disciples par le himma) qui prend sa source dans le cœur . Alors, ces deux types connaissance s’opposent-ils ou se complètent-ils ? La parole prouve clairement qu’ils sont complémentaires. Dans un premier temps, Ne l’ordonne-t-il pas ceci : « éduque tes disciples par le himma » tout en lui disant dans un second temps, « ne leur livre pas seulement une connaissance livresque ». Cette dernière partie de la parole exprime aussi que « la connaissance livresque » est aussi un pilier dans la démarche comme l’est aussi le himma (aspiration). Car, le mot « seulement » signifie ne te limite pas à la seule connaissance livresque. Alors, de cette exigence « éduque tes disciples par le himma » et « la connaissance spéculative » va s’inscrire toute la démarche de Serigne Touba.
Cette recommandation du Prophète (sws) peut être considérée comme la matrice de la démarche de Serigne Touba. De cette recommandation, on peut aussi y lire les deux piliers de la démarche de Serigne Touba : un pilier intellectuel (connaissance livresque) qui trouve son origine dans l’intellect ; un pilier attaché à un stimulus affectif « himma » c’est –à-dire une activité, une puissance se déclinant à un sentiment d’amour incitateur ou stimulant, à un sentiment de crainte allant dans le sens d’un sentiment dissuasif ou inhibant ou à un sentiment d’admiration, de déférence trouvant son origine dans le cœur. Alors, quelle est réalité de la « connaissance livresque » ? Celle-ci se limite, et sera toujours limité, à éclaircir la vision quant à ce qui est conforme à la vérité, ce qui est correcte et ce qui est interdit. S’agissant de la "himma" (aspiration), son effet transparaît dans le cœur qui est le réservoir des émotions et des sentiments. Puisque l’individu humain se compose de deux appareils : l’intellect qui est la source de la compréhension et le cœur le réservoir des émotions, alors cette parole « éduques tes disciples par la himma, et ne leur délivre pas seulement à une connaissance livresque » veut que le disciple contemple et comprend par l’intellect et aime par le cœur. Ainsi « la connaissance livresque » s’associe ou se complète du "himma", sans quoi, elle ne serait que de simples schémas et lignes sur papier et de belles paroles sur les lèvres. C’est pourquoi le « himma » est requis sinon la pratique ne serait qu’une spiritualité intellectuelle, abstraite, éloignée du champ magnétique du cœur et de ses effets. Ce genre de vie peut produire une richesse intellectuelle immense, ou une bibliothèque islamique très riche, mais il ne produira jamais une vérité spirituelle qui liera le serviteur à Allah. De ma compréhension, c’est pour cette raison que le Prophète (sws) aurait recommandé à Serigne Touba d’associer ces deux modes de savoir pour éviter un islam de mots que les langues et les lèvres prononcent, alors que les passions et les tentations règnent dans les cœurs.
Auteur: Mouhammadou Moustapha Diop
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