TAWHID ET VAUDOU (Par S. Abdou Aziz Mbacké Majalis)
Après avoir visualisé une vidéo circulant sur le web dans laquelle un prêtre béninois du vaudou, dont l’aplomb n’a d’égal que l’ignorance choquante, affirme sans sourciller que (je cite) « Cheikh A. Bamba a sillonné beaucoup de couvents du culte vaudou au Bénin avant de créer son ordre » (!), nous avons tenté d’analyser sommairement ses assertions. Même si, à priori, la faiblesse de son argumentaire, commande, aux yeux de certains, de ne pas perdre son énergie à y répondre, il ne nous paraît pas totalement inutile, au vu des nouvelles réalités du web et de son caractère très peu maîtrisable pour des esprits "faibles", d'analyser cette sortie. Cet exercice nous a permis de relever un certain nombre d’erreurs et de contradictions assez élémentaires à même de prouver assez facilement la légèreté, pour ne pas dire l’ineptie, de son propos.
1- « Le magal de Touba réunit 7.500.000 pèlerins »
Faux !
Les estimations les plus récentes de l'affluence au Magal tournent autour de 3 à 4 millions (cf. Étude monographique du Magal du staticien Moubarack Lo)
2- Des liens entre Cheikh A. Bamba et le roi Behanzin ?
Aucun !
Le roi Behanzin a été déporté en Algérie où il mourut en 1906 et n'a jamais été en contact avec Cheikh A. Bamba. La juxtaposition hors propos des 2 figures historiques semblant habilement insinuer qu'elles aient pu se rencontrer, pour mieux argumenter des liens éventuels avec le vaudouisme, est inconvenante et contraire à la réalité historique.
3- « Cheikh A. Bamba a sillonné beaucoup de couvents du culte vaudou au Bénin »
Faux !
Cheikh A. Bamba a été exilé, non pas au Benin, mais plutôt au Gabon, pendant 7 ans (de septembre 1895 à novembre 1902). Durant tout le temps de cet exil, il était retenu prisonnier dans diverses localités du Gabon (Libreville, Lambaréné etc.) par les colonisateurs qui surveillaient scrupuleusement ses faits et gestes, contrôlant sa liberté de mouvement et ses contacts. Les seuls « liens » qu'il a pu avoir avec les autres pays d'Afrique centrale étaient les escales portuaires des paquebots chargés de le transporter. Escales effectuées en tant que prisonnier, dans les zones strictes des ports, mentionnées dans les archives coloniales et qu'il avait d'ailleurs l'habitude d'énumérer lui-même dans ses qasidas.
4- « Cheikh A. Bamba est d'obédience musulmane mais n'a jamais été à la Mecque »
Une telle assertion semble totalement ignorer à la fois la doctrine, la pensée et la pratique religieuse de Cheikh A. Bamba, fondée sur le Coran et la Sunna. Ignorant la forte volonté du Cheikh d'effectuer le pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam et son désir ardent de se rendre en visite pieuse chez son bien-aimé Maître de Médine (PSL) (cf. son poème Asîru), ce genre d'affirmations s'inscrit en droite droite ligne de l'idéologie « afrocentriste », faisant l'apologie des « religions africaines » s'opposant aux religions importées et allogènes (Islam et christianisme) perçues comme des éléments de domination culturelle. Dans leur désir de s'approprier coûte que coûte les mérites et l'œuvre de résistance de Cheikh A. Bamba, certains activistes ou penseurs panafricanisants, réfractaires à la vision impérialiste qu'ils ont de l' « Islam des arabes », sont ainsi tentés de couper tout lien entre cette religion et le Mouridisme qu'ils tentent de rattacher absolument aux pratiques et croyances animistes ancestrales (en se basant sur certains amalgames de certains mourides hétérodoxes ou même sur les théories de l' « islam noir »).
Tel qu'il ressort d'un article de l'historien Tidiane Ndiaye, définissant le mouridisme comme une « religion d’inspiration islamique » !!!(Cf. « Cheikh Ahmadou Bamba, le mouridisme et la résistance africaine au colonialisme », voir http://mediaafrik.com/cheikh-ahmadou-bamba-le-mouridisme-e…/)
5- « Cheikh A. Bamba a créé la ville de Touba et l'ordre des mourides après son retour d'exil »
Faux !
La recherche la plus élémentaire sur l'histoire de Cheikh A. Bamba aurait démontré à l'auteur de cette méprise que Touba a été fondée bien avant l'exil (1887-88). Et qu'après son retour d'exil, le Cheikh n'a jamais été autorisé par ses geôliers et persécuteurs coloniaux à retrouver sa ville sainte jusqu'à sa disparition en 1927 à Diourbel où il était détenu en résidence surveillée.
Même remarque pour la fondation du Mouridisme qui date historiquement de l'étape de Mbacké-Cayor (1883), juste après la disparition de Mame Mor Anta Saly, père de Cheikh A. Bamba. L'ignorance de tels faits élémentaires de l'histoire du Mouridisme disqualifie son auteur de toute éventuelle prétention à disserter sur sa doctrine ou son fondateur.
6- En plus des éléments de contradiction ci-dessus énumérés, qui ne requièrent nulle expertise particulière pour être compris et acceptés, l'argument le plus décisif contre les élucubrations gratuites de cet individu consiste à l'interroger sur les éléments de recherche sur lesquels il appuie ses hypothèses. En d'autres mots, à lui poser les quelques questions suivantes auxquelles il sera tenu de répondre, au risque de se discréditer totalement :
Qu'est-ce qui, dans les innombrables écrits et enseignements du Serviteur du Prophète (dont la production littéraire est l'une des plus importantes dans l'histoire humaine), s'inspirerait des enseignements du vaudouisme ou d'une quelconque religion et idéologie autre que le Coran et la Sunna du Prophète (PSL) ? Dans quelle partie de son œuvre (écrite et orale) peut-on trouver des principes contraires à l'héritage soufi et au Tawhid, qui seraient repris des « couvents du culte vaudou au Bénin » ? Quels étaient exactement ces « couvents » dont l’auteur parle ? Quelle est leur localisation précise ? Peut-il nous donner le nom d’un seul des prêtres vaudous que le Serviteur inégalé du Prophète de l'Islam aurait « sillonnés » ? Quels matériaux historiques (écrits, oraux, matériels etc.) pourraient attester, sans aucune contestation possible, de la réalité de ses allégations ? L'auteur connait-il véritablement les innombrables écrits, enseignements et actes accréditant le principe du Tawhid et s'opposant aux pratiques dont son culte se réclame ?
Tant que notre cher ami prêtre ne pourra valablement pas répondre à ces questions, du reste, assez simples, et éclaircir les contradictions ou assertions gratuites relevées ci-dessus, nous pourrons raisonnablement le considérer comme un plaisantin de mauvais goût. Ou, pis, comme un habile gourou moderne, simplement envieux de la puissance et du succès de l' « ordre » divin fondé par Cheikh A. Bamba au Sénégal, qu'il désirerait coûte que coûte drainer vers son propre ordre du Bénin. Auquel cas, il ne mériterait nullement de nous divertir de la vivification des dernières nuits de ce mois béni de Ramadan, parmi lesquelles figure la Sainte et Inégalable Nuit de la Destinée (Laylatul Khadr), tel que s'y consacrait, justemeny, notre bien-aimé Cheikhoul Khadîm !
Allahumma, innaka 'affuwun, tuhibbul 'afwa, fa'fu 'annî !

Enregistrer un commentaire

 
Top